Entrevue Film Pourquoi Tu Souris ?

Interview autour du film Pourquoi Tu Souris ? avec les réals Christine Paillard et Chad Chenouga et le compositeur Arthur Simonini

Wisi est en galère. Il débarque à Bordeaux dans l'espoir de trouver un boulot et croise la route de Marina, une humanitaire au grand cœur. Pour se faire héberger chez elle, il prétend être un sans-papier. Un soir, il rencontre Jérôme, lui-même à la rue après le décès de sa mère.
Un film de Christine Paillard et Chad Chenouga, avec Emmanuelle Devos, Jean-Pascal Zadi et Raphaël Quenard. Musique de Arthur Simonini.
D’où vous est venue l’idée pour ce film ? Qu’avez vous voulu véhiculer à travers cette histoire ?
CHRISTINE : On a travaillé ensemble il y a 17 ans où l’on co-réalisait un documentaire où Chad donnait des cours d’improvisation à des SDF. On s’est rendu compte que les personnes sans domicile avaient énormément besoin de rire, avaient beaucoup d’humour et riaient de leur situation, tournait cette période de leur vie dramatique en dérision. On avait par ailleurs envie de faire une comédie ensemble, une envie de rire, de ne pas être forcément politiquement correct, de traiter d’un sujet grave avec de l’humour, d’être sur le fil. Peut-être de toucher les gens d’une façon différente.
Il est difficile de composer la musique d’une comédie. Comment avez-vous fait ?
ARTHUR : La comédie est très compliquée à approcher. On peut vite basculer dans quelque chose de cartoonesque, vulgaire. Dans ce film, il y a un côté mélancolique et donc plusieurs facettes qui permettent d’adopter plusieurs facettes musicales. Le plus dur, c’est de ne pas tomber dans un cliché clownesque, qui va être ridicule, qui va alourdir la narration. Donc il s’agit de savoir comment doser. Pour trouver le bon dosage, on discute, on s’imprègne petit à petit de l’histoire, de ce que veulent raconter les réalisateurs. J’essaie aussi de préparer des maquettes avec de vrais instruments pour avoir une idée plus précise de ce que l’on va enregistrer.
Ce film portrait des personnages qui butent, qui sont coincés. C’est un film sur la fragilité et le manque d’amour. Je me suis demandé si ce n’était pas le portrait d’une “génération perdue”, qui ne sait plus quoi faire et abandonne, du moins, au début ?
CHRISTINE : C’est vrai que la problématique du manque d’amour revenait beaucoup dans le centre où l’on travaillait. En fait, ce sont souvent des problèmes affectifs qui sont à la base de la chute. Ce qui était vertigineux, c'est que c’était des gens qui avaient une vie tout à fait normale avant et il y a eu à un moment une cassure, puis une descente aux enfers.
Dans ce film on a ces trois personnages qui sont dans une grande solitude et qui vont rencontrer l’autre mais sans grande évidence, car ce sont des gens qui n’auraient à priori rien à faire ensemble. D’où l’importance d’essayer de comprendre l’autre, même quand on a des à priori sur lui.
CHAD : Et malgré tout, comme ils ont tous les trois une réelle vitalité, c’est propice à la comédie.
CHRISTINE : Chacun va aider l’autre à se découvrir un peu, car chacun se ment à lui-même. Ils vont s’entraider à se retrouver pour pouvoir redémarrer avec ce qu’ils sont réellement.
CHAD : À travers ce film, on ne veut pas donner de leçon, on veut pouvoir rire de ce qui leur arrive mais sans se moquer d’eux. Ce qui est important, c'est qu’on les aime, qu’on a envie d’être avec eux. Même le personnage de Jérôme (Raphael Quenard) qui au début est, disons le, horrible, se révèle par la suite un peu “autre”. Le personnage de Wisi (Jean-Pascal Zadi) qui est solaire, voit au- delà de ce que Jérôme affiche, de sa haine, parce qu’il est frustré, seul, malheureux et il a la clairvoyance d’aller au delà des apparences.
J’ai trouvé que le film nous présentait une certaine oppression de la part de l’homme sur la femme : le collègue de Marina (Emmanuelle Devos), qui lui rappelle sans cesse les lois alors qu’elle fait de son mieux et est super engagée ou encore le voisin de son collègue qui l’agresse. Qu’avez-vous à dire là-dessus ?
CHAD : Ce n’est pas une chose que nous avons voulu appuyer mais elle est là. Elle veut tellement donner qu’elle en devient trop généreuse, elle est too-much et c’est ça en même temps qui la rend touchante.
Le SUPER OBJECTIF de chaque personnage est relié à l’amour. Honorer sa mère, être aimé, retrouver sa fille.... Ils ont tous un but très fort en lien avec l’amour.
CHRISTINE : Beaucoup de problèmes dans la vie partent d’un manque affectif et tous les personnages ont un manque affectif. Pourtant, les trois ensemble, il y a un truc qui va mieux. D’où « Prends moi avec toi et de nos deux misères nous feront peut être une espèce de bonheur » qui est arrivé très vite dans l’écriture et qui est au coeur du film.
Quelles réflexions souhaiteriez vous que les spectateurs développent en sortant de ce film ?
CHRISTINE : Un petit garçon de 8 ans nous a demandé lors d’une récente projection : “Est-ce que je dois comprendre que si on est SDF on peut quand même être heureux?”